Pages

dimanche 6 septembre 2015

"Quand les esclaves se rebellent"

Le numéro de septembre 2015 de la revue l'Histoire (n°415) porte sur les rébellions d'esclaves. Comme Paris accueillera du 30 novembre au 11 décembre 2015 la 21e conférence de l'ONU sur le climat (COP), l'événement est un entretien avec Jean-Baptiste Fressoz (historien des sciences, des techniques et de l'environnement, chercheur au CNRS et enseignant à l'École des hautes études en sciences sociales, auteur de L'Événement Anthropocène. La Terre, l'histoire et nous, paru au Seuil en 2013) intitulé "Climat : l'homme entre en scène." Stefan Lemny, chargé de collections à la Bibliothèque nationale de France, retrace l'histoire du best-seller d'Emmanuel Le Roy Ladurie Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, paru en 1975. Jenny Raflik, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Cergy-Pontoise, étudie un siècle de coopération contre le terrorisme. Gilles Montègre, maître de conférences en histoire moderne à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France, nous relate rapidement la vie du cardinal-diplomate de Bernis dont nous célébrons cette année le tricentenaire de sa naissance et c'est pourquoi un colloque s'intitulant "Le cardinal de Bernis (1715-1794). Médiateur et observateur de l'Europe monarchique et révolutionnaire" se tiendra les 15 et 16 octobre 2015 à Rome. Nouvellement élu professeur au Collège de France pour occuper la chaire "Histoire du Coran. Texte et transmission", François Déroche a droit à un portait réalisé par Pierre Assouline (écrivain, journaliste et membre du conseil scientifique de l'Histoire).
Le dossier sur les rébellions d'esclaves commence par un article de Marcus Rediker (enseignant à l'université de Pittsburgh dont l'ouvrage Les révoltés de l'Amistad. Une odyssée  de l'Atlantique, 1839-1842 paraîtra le 10 septembre au Seuil) s'intitulant "Les mutinés de l'Amistad". Giusto Traina (professeur d'histoire romaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne) retrace les révoltes d'esclaves survenues à la fin de la République romaine. Manuel Covo (maître de conférences à l'université de Warwick au Royaume-Uni) analyse la révolte de Saint-Domingue, qui éclata durant la Révolution française. Pap Ndiaye (professeur à l'Institut d'études politiques de Paris) évoque le destin de Nat Turner. Le dossier se termine par un article d'Anaïs Fléchet (maître de conférences à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines) s'intitulant "Zumbi, une légende brésilienne." 
"Les salariés du Moyen Âge" de Laurent Feller (professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne) nous lance dans la rubrique l'atelier des chercheurs (qui s'appelait précédemment recherches). Nicolas Werth (directeur de recherches à l'Institut d'histoire du temps présent) étudie l'opération terres vierges menée par Nikita Khrouchtchev dans les années 1950 en URSS. Enfin, Rahul Markovits (maître de conférences en histoire moderne à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm) estime que le théâtre français du XVIIIe siècle permettait à la France d'exercer son soft power

lundi 22 juin 2015

Maupas, objet du nouveau numéro de HES

Charlemagne-Émile de Maupas (1808-1888), ministre de la Police à l'aurore du Second Empire, fit l'objet d'un colloque en décembre 2013 qui se déroula aux Archives nationales, à Pierrefite-sur-Seine. Le dernier numéro de la revue Histoire, économie et société qui paraît ce mois-ci publie les actes de ce colloque sous le titre Maupas : un préfet en politique, de la Monarchie de Juillet au Second Empire. Ce colloque s'explique par la mise à disposition au public du fonds Maupas aux Archives nationales, soit 111 cartons renfermant une documentation primordiale pour l'étude du XIXe siècle et notamment la carrière préfectorale puisque Maupas fut préfet à plusieurs reprises. Maupas fut une grande figure du Second Empire et, à ce titre, il fit l'objet de quelques travaux. Son passage à la préfecture de police de Paris a été étudié par Claude Vigoureux1. Actuellement, Jacques-Olivier Boudon, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne et président de l'Institut Napoléon, fait travailler ses élèves de master et de doctorat sur cette personnalité hors-norme.



Histoire, économie et société n°2, juin 2015, 160 p., 18 euros.




1VIGOUREUX Claude, Maupas et le coup d'État de Louis-Napoléon, Paris, Éditions SPM, coll. « Kronos », 2002, 362 p. 

mercredi 29 avril 2015

Un nouvel ouvrage par Yves Bruley sur la diplomatie de Napoléon III

Ce mercredi 29 avril 2015, à l'invitation de la délégation Île de France du Souvenir napoléonien, Yves Bruley* fit une conférence à la mairie du 8e arrondissement de Paris pour présenter son dernier ouvrage, La diplomatie du sphinx. Napoléon III et sa politique internationale, qui sortira le 13 mai prochain. L'assistance aurait pu se procurer le livre en avant-première mais des dysfonctionnements éditoriaux ne l'ont pas permis. Toutefois, Yves Bruley a présenté comme prévu son nouvel ouvrage. Ce sont les romantiques, à l'exemple de Balzac et de Baudelaire, qui utilisèrent la figure mystérieuse du sphinx dans leurs œuvres. Cette expression de sphinx fut utilisée pour caractériser l'empereur Napoléon III, qui pour beaucoup était, est et sera un être mystérieux. Pourquoi associa-t-on Napoléon III à un sphinx ? Après la guerre de Crimée (1853-1856), le général Pélissier ramena de la prise de Sébastopol deux statues de sphinx qui furent installées aux Tuileries. Par la suite, des ministres de l'empereur qualifièrent leur souverain de "sphinx des Tuileries" et l'expression fut reprise par la presse anglaise. Pour de nombreuses personnes, Napoléon III aurait été un conspirateur et la politique extérieure aurait été son domaine réservé pour lequel il aurait écarté systématiquement ses ministres des Affaires étrangères. Pour remettre en partie en cause cette idée, ce qu'il avait déjà fait dans sa thèse de doctorat, Yves Bruley s'appuie sur les archives du ministère des Affaires étrangères et notamment sur les précieux souvenirs d'Hippolyte Desprez qui ne peuvent être publiés, faute de moyens alors qu'il s'agit d'une source d'un immense intérêt pour la connaissance de la période. Il rappelle que l'entourage de Napoléon III était réduit à quatre hommes : le chef de cabinet de l'Empereur Jean-François Mocquard jusqu'à sa mort en 1864 où il fut remplacé par Charles Étienne Conti, le secrétaire particulier de l'Empereur Franceschini Pietri, le Grand écuyer le général Fleury et Henri Conneau, le médecin personnel et ami du monarque. On peut affirmer que Napoléon III avait des proches mais pas une multitude de conseillers spécialisés comme les chefs d'État en possèdent de nos jours. N'ayant pas de premier ministre et étant de facto le chef du gouvernement, Napoléon III était en lien direct avec ses ministres lors du conseil des ministres ou lors d'entretiens privés. De nombreux témoins affirment que l'empereur écoutait les conseils avec bienveillance sans faire d'objection. Au début du Second Empire, Napoléon III mena une diplomatie secrète lors des négociations en vue d'une cérémonie de sacre présidée par le pape Pie IX. Les négociations échouèrent et l'empereur ne fut pas sacré comme le fut son oncle. L'empereur ne fit pas de diplomatie parallèle lors de la guerre de Crimée et il témoignait une entière confiance en son ministre Édouard Drouyn de Lhuys. Ce ne fut qu'au moment de l'éclatement des affaires italiennes que l'empereur réitéra avec la diplomatie secrète en rencontrant sans en informer le Quai d'Orsay le premier ministre piémont-sarde Cavour à Plombières en 1858. Durant la suite des affaires italiennes, il mena une diplomatie parallèle qui était contraire à celle appliquée par le Quai d'Orsay, ce qui entraîna le départ du comte Walewski du ministère pour être remplacé par Édouard Thouvenel. Jusqu'ici, plusieurs événements passaient pour avoir été pilotés des Tuileries sans avoir collaboré avec le Quai d'Orsay. Or, pour le traité de libre-échange de 1860, l'annexion de Nice et de la Savoie et l'intervention au Liban, il s'avère que les services du ministère des Affaires étrangères prirent part aux négociations. Lorsque Rouher devint ministre d'État et quasiment le deuxième homme de l'édifice impérial, il tenta de peser sur la diplomatie. En 1866, suite à sa défaite de Sadowa face à la Prusse, l'Autriche réclamait une médiation française. La France avait deux options devant elle : soit elle prenait le chemin de la fermeté avec une médiation armée avec des troupes placées sur le Rhin soit elle mettait en place une médiation amicale envers la Prusse. Lors d'un conseil des ministres, réuni à Saint-Cloud, les ministres, à l'instigation de Drouyn de Lhuys, optèrent pour une médiation armée et le lendemain devait paraître un décret de convocation du Corps législatif pour décréter la mobilisation de 80 000 hommes sur le Rhin. Mais à la suite du conseil, le ministre de l'Intérieur La Valette, qui n'appréciait pas Drouyn de Lhuys, s'entretint avec Rouher pour lui signifier qu'une médiation armée était une mauvaise solution et qu'il fallait faire une alliance avec la Prusse. Les deux hommes allèrent voir l'empereur pour le convaincre qu'il fallait s'allier avec la Prusse au lieu de lui être hostile. Étant prussophile et peu favorable à l'Autriche, Napoléon III céda à l'alliance prussienne sans prévenir Drouyn de Lhuys du changement de politique. De 1866 à 1869, Eugène Rouher exerçait une tutelle sur la diplomatie française. Grâce aux souvenirs d'Hippolyte Desprez, nous possédons un nouveau regard sur la crise de 1870 puisque dorénavant nous savons que les parlementaires avaient accéléré la crise sans que le Quai d'Orsay ne pût intervenir et qu'il fût ainsi coupé de la décision politique. En conclusion, Yves Bruley indique que la diplomatie de Napoléon III n'est pas un bloc. Pour comprendre la politique impériale, il est intéressant de se reporter à l'Histoire de Jules César que Napoléon III a rédigée puisqu'il justifie sa politique à l'aide de l'histoire antique. En effet, César était seul lorsqu'il prit la décision de traverser le Rubicon. Napoléon III ne se laissa jamais imposer son choix. Mais la difficulté du césarisme réside dans l'usure du pouvoir puisqu'il fonctionne bien lorsque le chef d'État est en forme alors que le mécanisme se crispe à partir du moment où le dirigeant défaille (maladie de Napoléon III). La crise de 1870 fut accentuée par deux éléments : le manque de préparation face à la vie parlementaire qui ne laisse pas de temps à l'action réflechie et l'accélération de la prise de décision à cause du télégraphe. On peut affirmer que la diplomatie classique mourut en 1870. 
Lors du débat avec la salle, Yves Bruley rappela que les ministres et les ambassadeurs étaient des diplomates de carrière. Napoléon Daru fut le seul ministre des Affaires étrangères du Second Empire à être issu de la vie parlementaire. Bruley estime que le Second Empire représente un âge d'or de la carrière diplomatique puisque les postes d'ambassadeurs sont confiés très majoritairement à des professionnels et non à des politiques en reconversion. Il pense que Drouyn de Lhuys et Thouvenel furent de très bons ministres mais il affirme que Moustier ne fut pas un très grand ministre puisqu'il fut nommé uniquement parce qu'il avait été ministre plénipotiaire à Berlin durant les années 1850 et parce qu'il était apprécié de Rouher. L'impératrice Eugénie ne joua pas un rôle décisif dans la politique impériale. 

Présentation de l'ouvrage par l'éditeur :

"« Le Sphinx des Tuileries », Napoléon III était une énigme vivante : regard impénétrable, attitude hermétique, politique secrète. « Les paroles qu’on lui adresse sont comme des pierres qu’on jette dans un puits ; on en entend le bruit mais on ne sait jamais ce qu’elles deviennent », disait Tocqueville, qui fut son ministre des Affaires étrangères. La diplomatie surtout trahit le passé de conspirateur de Louis-Napoléon, et recèle encore bien des mystères. Ce livre, conçu à partir des archives du Quai d’Orsay, renouvelle en profondeur l’histoire de la diplomatie impériale. Il s’appuie notamment sur les mémoires inédits d’un des principaux diplomates français. Son récit de la crise internationale de juillet 1870, vécue au Quai d’Orsay, est publié ici pour la première fois. Vainqueur du duel qui entraîna « le Sphinx » dans une chute fatale, Bismarck avait-il, mieux que personne, déchiffré l’énigme de Napoléon III ?"






*Yves Bruley, né en 1969, est agrégé d'histoire et docteur en histoire des relations internationales. Chargé de mission à l'Académie des Sciences morales et politiques, il est aussi maître de conférences à l'Institut dÉtudes politiques de Paris. Il s'est spécialisé dans l'histoire des relations internationales au XIXe siècle et dans celle de la papauté. Sa thèse de doctorat, préparée sous la direction de Georges-Henri Soutou et soutenue en 2009, s'intitule Le Quai d'Orsay sous le Second Empire pour laquelle il reçut le Prix Mérimée 2011. Elle fut publiée dans un format grand public sous le titre Le Quai d'Orsay impérial chez Pédone en 2012. Pour cet ouvrage, la Fondation Napoléon lui décerna le Prix Second Empire en 2012. On lui doit aussi une Histoire de la papauté publiée en 2011 dans la collection "Tempus" de Perrin. Il a dirigé avec Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon et grand historien du Consulat et du Premier Empire, Diplomaties au temps de Napoléon publié en 2014 chez CNRS Éditions.