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dimanche 7 décembre 2014

Compte-rendu de la soutenance d'habilitation à diriger des recherches d'Éric Anceau, 6 décembre 2014 en l'amphithéâtre Descartes de la Sorbonne

JURY :

Pr. Jacques-Olivier Boudon : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne, garant.
Pr. Malcolm Crook : professeur en histoire française à l'université de Keele (Angleterre).
Pr. Yves Déloye : professeur de science politique à l'institut d'études politique de Bordeaux, rapporteur.
Pr. Jean Garrigues : professeur d'histoire contemporaine à l'université d'Orléans, rapporteur.
Pr. Françoise Mélonio : professeur de littérature à l'université de Paris-IV-Sorbonne.
Pr. Jean-Noël Luc : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne, rapporteur.
Pr. Jean-Pierre Machelon : professeur émérite de droit à l'université de Paris-V-René Descartes, président du jury.

Dans l'assistance, il y avait Frédéric Attal (professeur d'histoire contemporaine à l'université de Valenciennes), Maïté Bouyssy (maître de conférences honoraire de l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne) Yves Bruley (chargé de mission à l'Académie des sciences morales et politiques, docteur en histoire des relations internationales), Noëlline Castagnez (maître de conférences en histoire contemporaine à l'université d'Orléans), Guillemette Crouzet (Attaché temporaire d'enseignement et de recherche en histoire contemporaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne, docteur en histoire contemporaine), Olivier Dard (professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne), Anne-laure Dupont (maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne), Jean El Gammal (professeur d'histoire contemporaine à l'université de Lorraine), Bernard Gaudillère (ancien adjoint de Bertrand Delanoë et spécialiste de l'histoire électorale), Juliette Glikman (historienne du Second Empire, docteur en histoire contemporaine), Antoine Gournay (maître de conférences en histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne), Jean-Marc Guislin (professeur d'histoire contemporaine à l'université de Lille III-Charles de Gaulle), Rémy Hême de Lacotte (professeur agrégé et docteur en histoire contemporaine, docteur en histoire contemporaine), Arnaud-Dominique Houte (maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne), Bertrand Joly (ancien conservateur du XIXe siècle aux Archives nationales et professeur d'histoire contemporaine à l'université de Nantes), Bernard Klein (professeur agrégé à l'université de Paris-IV-Sorbonne), Jean-Pierre Martin (professeur émérite d'histoire romaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne) Françoise Martin (maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne) Charles-François Mathis (maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Bordeaux-Montaigne), Xavier Mauduit (journaliste et historien du Second Empire, docteur en histoire contemporaine), Vincent Robert (maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne), Claude Rochet (professeur à l'université d'Aix-Marseille), Rosemonde Sanson (maître de conférences honoraire à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne), Jacques-Alain de Sédouy (ambassadeur de France et historien) Olivier Tort (maître de conférences en histoire contemporaine à l'université d'Artois) et Nadine Vivier (ancienne présidente de l'AHCSER et professeur d'histoire contemporaine à l'université du Maine). Le neveu d'Éric Anceau a évalué le public à 89 personnes.

EXPOSÉ D'ÉRIC ANCEAU :

Éric Anceau indique que c'est un plaisir particulier de soutenir dans l'amphithéâtre Descartes même s'il était prévu à l'origine que la soutenance se fasse dans l'amphithéâtre Guizot, qui porte le nom d'un homme politique important du XIXe siècle. Toutefois, l'amphithéâtre Descartes a une valeur sentimentale car il y a passé l'examen final du cours de Jean Tulard sur le Consulat et l'Empire, y a fait ses premiers cours en temps que maître de conférences et y fait actuellement des cours de préparation au certificat d'aptitude à l'enseignement secondaire (CAPES) d'histoire/géographie.
Ensuite, il explique pourquoi il a mis si longtemps à préparer son habilitation à diriger des recherches. En effet, il a soutenu son doctorat en 1997 et a été élu maître de conférences en 1999 et il aurait donc pu soutenir depuis longtemps son habilitation. Il n'a pas pu le faire plus tôt car il ne se sentait pas mûr pour un poste de professeur des université puisqu'il a de nombreuses activités extra-universitaires et parce qu'il a du renoncer à deux sujets auxquels il avait d'abord pensé.
Enfin, pour son habilitation, il présente un mémoire qui revient sur son parcours de chercheur, un autre présentant quelques-uns de ses travaux et un dernier inédit s'intitulant L'Empire libéral. Essai d'histoire politique totale. L'ensemble du travail fait 1 700 pages.

INTERVENTION DE JACQUES-OLIVIER BOUDON :

Jacques-Olivier Boudon commence par remercier Éric Anceau de l'avoir choisi comme garant depuis quelques années. Il reconnaît la qualité de son travail d'autant plus qu'ils se connaissent depuis plus de vingt ans. Il rappelle qu'Éric Anceau a fait une thèse sous la direction de Jean Tulard qui est présent dans la salle par la pensée. Il souligne que son départ pour l'université de Rouen a permis à Éric Anceau d'être élu maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne. Il reconnaît, grâce aux remarques des étudiants, qu'Éric Anceau est un très bon enseignant. Il indique que le candidat est un des meilleurs connaisseurs de l'histoire politique contemporaine qui sait participer à des travaux collectifs.
Le mémoire inédit offre une lecture renouvelée d'une période courte. Il s'agit d'un gros travail de recherche : 1 600 livres lus et de nombreux fonds d'archives consultés. Il remarque quelques imprécisions et trouve le parallèle entre les Cent-Jours et l'Empire libéral un peu étrange.
Éric Anceau indique que s'il est mesuré dans son texte, il fait usage de formulation choc dans ses titres (l'état de grâce, Bérézina, etc). Il explique que le parallèle entre les Cent-Jours et l'Empire libéral par le fait que l'opposition le faisait déjà à l'époque.

INTERVENTION DE JEAN GARRIGUES :
Jean Garrigues indique que ce 6 décembre 2014 est une journée de triomphe pour quelqu'un qui est plus qu'un collègue, qui est un être humain de grande qualité. Le mémoire montre une bonne cohérence dans les recherches. Il critique l'exercice de devoir faire un mémoire d'ego histoire car l'historien doit s'effacer devant son travail. Garrigues et Anceau ont la volonté commune de faire chacun une biographie d'Adolphe Thiers.
Éric Anceau indique que l'idée d'une biographie de Thiers lui a été suggérée par Perrin qui a refusé le manuscrit de son Empire libéral parce qu'il est trop conséquent et cette biographie devrait sortir en 2017. Néanmoins, Anceau indique pouvoir cette biographie car il a croisé ce personnage à de nombreuses reprises et a donc des dossiers sur lui. En somme, je me rappelle que lors d'un de ses cours d'historiographie politique de la France contemporaine, il nous avait indiqué que ce projet pouvait se faire dans la mesure où la veuve d'Alain Plessis, historien qui avait envisagé de faire une biographie de l'historien du Consulat et de l'Empire, lui avait confié les papiers de son époux sur Thiers.

INTERVENTION DE JEAN-NOËL LUC :

Jean-Noël Luc indique que le mémoire inédit est imposant et stimulant. En effet, c'est un travail imposant qui pèse 5 kg 100 et qui a nécessité un tour de France des archives départementales. Il trouve l'histoire politique d'Éric Anceau trop sélective en remarquant que l'histoire de l'enseignement était peu présente et que l'héritage de la Monarchie de Juillet était minoré. Il critique les limites chronologiques employées par Anceau ainsi que sa distance par rapport à son sujet à certains moments. Toutefois, il indique qu'Éric Anceau est un universitaire sur qui on peut compter tout en lançant l'avertissement qu'être professeur des universités est une tâche lourde avec de nombreuses responsabilités administratives.

INTERVENTION D'YVES DÉLOYE :

Yves Déloye se considère être le membre le plus incompétent à siéger dans ce jury et il indique qu'Éric Anceau a toutes les capacités pour recevoir l'habilitation à diriger des recherches. Il se dit impressionné par la culture livresque du candidat et considère que ce dernier aurait du avoir son habilitation plus tôt tout en reconnaissant qu'en science politique, l'habilitation était donnée trop tôt alors qu'il faut laisser du temps au temps comme Éric Anceau a su le faire en attendant dix-sept ans, depuis la soutenance de sa thèse, pour soutenir son habilitation. Déloye trouve que la cartographie devrait être dans le texte du mémoire au lieu d'être relégué en annexe. Il souligne qu'Éric Anceau possède une écriture agréable à lire. Ce dernier indique qu'il publiera durant l'année 2015 une histoire des élites chez Belin.

 INTERVENTION DE MALCOLM CROOK :

Malcolm Crook félicite Anceau pour ses travaux et il indique que l'habilitation n'existe pas en Angleterre où il suffit d'être docteur pour encadrer des recherches.

INTERVENTION DE FRANÇOISE MÉLONIO :

Françoise Mélonio indique que le mémoire inédit est un travail monumental. Le concept d'histoire totale la dérange un peu.

INTERVENTION DE JEAN-PIERRE MACHELON :

Jean-Pierre Machelon indique qu'il a des goûts communs scientifiques et qu'il voisine depuis longtemps avec Éric Anceau. Il remercie le candidat d'avoir donné son mémoire cinq mois avant la soutenance aux membres du jury pour qu'ils puissent lire ce travail imposant. Il reproche à Éric Anceau de ne pas avoir subdivisé davantage la table des matières et de ne pas trouver de table des annexes ni d'index. Il revient sur quelques coquilles et erreurs. Il remarque que dans le mémoire de synthèse Éric Anceau a su faire preuve de modestie en pensant ne pas être assez mûr pour les fonctions de professeur. Le candidat a fait un ambitieux et audacieux manifeste pour l'histoire totale du politique. Comme Francis Choisel et Sudhir Hazareesingh, Éric Anceau a fait un parallèle entre le bonapartisme et le gaullisme.

Après avoir délibéré durant quelques minutes, le jury a déclaré Éric Anceau habilité à diriger des recherches et l'assistance a reconnu par ses applaudissements la grande qualité des travaux de cet excellent historien.

dimanche 2 novembre 2014

Projet de recherche : Le rôle de Napoléon III et de la France dans l'affaire de Neuchâtel (1856-1857), texte rédigé le 8 novembre 2013.


Bien que ce projet ait un peu vieilli parce que d'autres ouvrages et sources se sont rajoutés à la liste de ce que je dois consulter, il reste valable pour expliquer pourquoi et comment j'ai été amené à travailler sur l'affaire de Neuchâtel.



Ce texte vise à expliquer par quelle démarche j'ai été amené à choisir mon sujet de master, et à le présenter brièvement. Je suis passionné, sans me rappeler le comment et le pourquoi, par Napoléon et par l'Allemagne depuis mon enfance, passions qui m'ont entraîné à aimer l'histoire, discipline qui me permet de me mieux comprendre le présent grâce au passé. Par la lecture d'une biographie sur Napoléon III1, j'ai goûté au Second Empire et à la personnalité de Napoléon III, un personnage fascinant parce qu'il revendiquait l'héritage de Napoléon Ier mais aussi parce que sous son règne la France se modernisa (une grande partie du réseau ferroviaire fut construit sous le Second Empire) et occupa une place prépondérante en Europe (ce fut à Paris que se tînt le congrès mettant un terme à la guerre de Crimée). Au moment de choisir une période de prédilection, j'hésitais entre le Premier Empire, le Second Empire et l'Allemagne. Puis, je me suis dit d'allier l'Allemagne à l'une des deux périodes. Pour le Premier Empire, j'aurais aimé travailler sur le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III qui règna de 1797 à 1840 dont la biographie la plus sérieuse semble être celle que l'historien allemand Thomas Stamm-Kuhlmann lui a consacrée2. À propos de ce personnage, j'avais même eu les conseils avisés d'Éric Anceau et de Thierry Lentz, le premier m'invitant à traiter le personnage à travers les relations internationales et le second à m'intéresser davantage sur l'opposition entre Napoléon et le roi de Prusse. Pour le Second Empire, je comptais travailler sur les relations franco-bavaroises sous le Second Empire, un sujet qui m'aurait permis d'allier ma passion pour le Second Empire et ma passion pour l'Allemagne. D'ailleurs, j'avais eu un entretien avec Jacques-Olivier Boudon en vue qu'il me dirige sur ce sujet et il m'avait donné quelques conseils très intéressants. Finalement, comme je doutais sur mes compétences à retrouver un niveau d'allemand digne pour pouvoir travailler sur l'Allemagne et comme je voulais être dirigé par Éric Anceau, grand spécialiste du Second Empire, j'ai demandé à ce dernier de me diriger et de me suggérer un sujet. Il m'a donc parlé des rapports franco-suisses sous le Second Empire qu'il m'a présentés comme étant très riches. En effet, c'est ce que j'ai pu constater en lisant l'article consacré à la Suisse dans le Dictionnaire du Second Empire3. Je me suis rendu compte que l'affaire de Neuchâtel avait été peu étudiée, en particulier l'action de Napoléon III et de la France dans l'affaire. Ainsi, ma recherche porte sur Le rôle de Napoléon III et de la France dans l'affaire de Neuchâtel (1856-1857).
Neuchâtel et son territoire furent une possession des rois de Prusse de 1707 à 1806 puis de 1814 à 1848. La principauté neuchâteloise devint en 1815 un canton de la Confédération helvétique, ce qui allait être source de conflit entre la Prusse et la Confédération. En 1831, les républicains tentèrent de renverser le gouvernement royaliste de Neuchâtel. En vain, ils furent écrasés par les autorités royalistes soutenues par les autorités fédérales. En 1848, le gouvernement royaliste fut renversé par une révolution et la République fut proclamée dans le canton, ce qui provoqua la colère du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV, qui s'estimait lésé par la perte de sa principauté. Par le protocole de Londres de 1852, les puissances européennes reconnurent les droits du monarque prussien sur Neuchâtel tout en lui indiquant qu'il ne pouvait pas reconquérir le territoire par la force. En septembre 1856, des royalistes neuchâtelois s'emparèrent du château de la ville et capturèrent le gouvernement républicain avant d'être rapidement vaincus par les forces républicaines. L'emprisonnement de ces conspirateurs royalistes fut la cause d'une grave crise diplomatique entre la Confédération helvétique et la Prusse, une discorde qui faillit dégénérer en guerre entre les deux pays puisqu'ils mobilisèrent leurs troupes au moment le plus critique de la crise. La diplomatie européenne se mit en action afin de calmer les hostilités entre les deux pays. Une conférence d'ambassadeurs se tint à Paris et conclut le litige grâce à la signature d'un traité en mai 1857 par lequel Frédéric-Guillaume IV renonça pour lui et ses successeurs à la principauté de Neuchâtel dont il ne garda que le titre honorifique. Mon travail portera sur l'action de Napoléon III et de la France dans cette affaire qui a été peu étudiée par les historiens de cet événement. Pourquoi différencier Napoléon III de la France ? On sait que l'Empereur menait sa propre politique extérieure et je montrerai si, dans ce conflit helvético-prussien, Napoléon III était totalement en accord avec le Quai d'Orsay ou s'il était en désaccord avec lui. Je m'intéresserai à savoir pourquoi et comment Napoléon III et la France interviennent dans l'affaire et j'analyserai l'évolution durant cette crise des relations franco-suisses d'une part et des relations franco-prussiennes d'autre part.
Jusqu'à présent, les historiens qui ont étudié cette discorde helvético-prussienne n'ont pas consacré d'étude complète à l'action de la France et de son empereur dans cet imbroglio diplomatique. Dans son ouvrage Neuchâtel et la Confédération suisse devant l'Europe 1856-18574, Jacques Petitpierre retrace l'histoire de l'affaire de Neuchâtel d'un point de vue international, c'est-à-dire qu'il ne privilégie pas le rôle prédominant d'un pays dans cette crise. Quant à Edgar Bonjour, qui a consacré plusieurs ouvrages à l'histoire suisse et à l'affaire, il s'est intéressé aux causes de l'affaire de Neuchâtel5, à la part de l'Angleterre dans la résolution du conflit6 et a compilé les quelques documents de l'événement dans un ouvrage7. Parmi les biographes de Napoléon III, seul Éric Anceau a évoqué l'affaire8. Yves Bruley en parle brièvement dans son Quai d'Orsay Impérial9.Émile Ollivier consacra un chapitre de son monumental Empire libéral à ce conflit10. Enfin, Michel Kerautret est le seul historien de la Prusse à évoquer la question de Neuchâtel11.
Pour mener mon travail à bien, je m'appuierai sur les Archives diplomatiques de La Courneuve où je consulterai la correspondance politique de Suisse et de Prusse, la série « Papiers d'Agents Archives Privées » où je m'intéresserai aux papiers laissés par Walewski (ministre des Affaires étrangères de 1855 à 1860), Moustier (ambassadeur à Berlin durant l'affaire) et Salignac-Fénelon (ambassadeur à Berne à cette époque) ainsi que la série « Mémoires et documents de Suisse » dont le volume 88 porte sur l'affaire de Neuchâtel. Je prendrai connaissance de la correspondance politique du consulat de Genève, en particulier le volume 3, pour voir si le consul de France à Genève s'intéressa ou non à ce conflit et du traité du 26 mai 1857 par lequel Frédéric-Guillaume IV renonça à ses droits sur Neuchâtel. Aux Archives diplomatiques de Nantes, je consulterai les archives des ambassades de France à Berlin et à Berne. Enfin, j'irai aux Archives nationales pour analyser la correspondance de Napoléon III, les lettres que les souverains et les princes lui ont adressées et la correspondance diplomatique. Les mémoires de contemporains et l'historiographie du Second Empire seront évidemment mis à contribution.

1ANCEAU Éric, Napoléon III. Un Saint-Simon à cheval, Paris, Tallandier, 2008, 750 p., ouvrage réédité en 2012 dans la collection « Texto ».
2STAMM-KUHLMANN Thomas, König in Preußens großer Zeit. Friedrich Wilhelm III., der Melancholiker auf dem Thron, Berlin, Siedler, 1992, 779 p.
3CZOUZ-TORNARE Alain-Jacques, « Suisse », dans TULARD Jean (dir.), Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995, p. 1224-1225.
4PETITPIERRE Jacques, Neuchâtel et la Confédération suisse face à l'Europe 1856-1857, Neuchâtel, Éditions H. Messeiller, 1957, 413 p.
5BONJOUR Edgar, Vorgeschichte des Neuenbuger Konflikts 1848-1856, Bern et Leipzig, Éditions Paul Haupt, 1932.
6BONJOUR Edgar, Englands Anteilan der Lösung des Neuenbuger Konflikts 1856-1857, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1948, 103 p.
7BONJOUR Edgar, Der Neuenburger Konflikt 1856-1857. Untersuchungen und Dokumente, Bâle, Helbing & Lichtenhan, 1957, 238 p.
8ANCEAU Éric, Napoléon III. Un Saint-Simon à cheval, Paris, Tallandier, 2008, p.289.
9BRULEY Yves, Le Quai d'Orsay Impérial. Histoire du ministère des Affaires étrangères sous Napoléon III, Paris Éditions Pédone, 2012, p.373.
10 OLLIVIER Émile, L'Empire libéral, études, récits, souvenirs. Tome 3 : Napoléon III, Paris, Garnier, 1898, p.399-404.
11KERAUTRET Michel, Histoire de la Prusse, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2005, note 14 p.298.

dimanche 22 juin 2014

Une très bonne histoire de la guerre de Crimée par Alain Gouttman

Alain Gouttman, décédé au début de l'année, était un historien français spécialisé dans l'étude des guerres du Second Empire. Il a publié en 1995 La guerre de Crimée 1853-1856. La première guerre moderne chez SPM, ouvrage réédité en 2003 dans la collection Tempus chez Perrin. En 2008, il a fait paraître chez le même éditeur La guerre du Mexique 1862-1867. Le mirage américain de Napoléon III (réédité en Tempus en 2011). Pour son ouvrage sur la guerre de Crimée, il a reçu en 1995 le Grand Prix de la Fondation Napoléon. Il est dommage qu'il n'ait pas eu le temps d'écrire des ouvrages sur d'autres conflits de la seconde période napoléonienne.
Dans son ouvrage sur la guerre de Crimée, l'objectif d'Alain Gouttman est de faire un livre bien documenté sur les causes et le déroulement de ce conflit qui a malheureusement suscité peu d'ouvrages alors qu'il s'agit de la première guerre moderne où le navire cuirassé et l'obus explosif apparaissent. Il a su montrer que la France entra d'elle-même dans ce conflit et non sous l'impulsion de la Grande-Bretagne, comme le suggéraient les précédents historiens de la guerre d'Orient (autre nom de la guerre de Crimée). Grâce à cette intervention en Crimée, pour défendre les Lieux saints et endiguer l'expansionnisme russe, la France entra avec les honneurs dans le concert européen puisqu'après avoir vaincu l'armée du tsar Alexandre II, qui avait succédé à son père Nicolas Ier en 1855, elle accueillit le congrès de paix qui se déroula à Paris au printemps 1856. Elle exerça même une prépondérance sur l'Europe jusqu'en 1863. Avec son ouvrage, Gouttman participe à la réhabilitation du Second Empire en rappelant les victoires que furent les batailles de l'Alma et d'Inkerman et le siège de Sébastopol. En effet, l'historiographie était jusqu'à récemment très défavorable au second régime napoléonien en insistant sur la capitulation de Sedan et sur le coup d'État du 2 décembre 1851 et minimisant la modernité du règne de Napoléon III et la gloire de l'armée du Second Empire. Nonobstant quelques difficultés d'ententes entre le commandement anglais et le commandement français, par exemple les quelques problèmes de coordination entre la flotte franco-britannique et les armées sur terre, Français et Anglais surent faire preuve d'un courage énorme et furent sur le champs de bataille de vaillants frères d'armes.
Dans son prologue, Gouttman rappelle en quelques pages les relations franco-russes sous le Premier Empire puis dans la première moitié du XIXe siècle. Ensuite, il explique, avec « les dernières chances de la diplomatie », en quoi consiste la querelle des Lieux saints et décrit les tentatives infructueuses de la diplomatie d'enrayer la crise entre la France, la Grande-Bretagne et l'Empire ottoman d'une part et la Russie d'autre part. « Face à face en Orient » est un chapitre qui nous amène à voir la préparation militaire de chaque camp puis l'échec du front danubien pour les troupes russes. Dans « offensive en Crimée », le terrain des opérations est déplacé vers la Crimée puisque les alliés se décidèrent à l'attaquer parce qu'elle abritait le port de Sébastopol, le centre névralgique de la puissance russe dans le sud de l'Europe. Ce chapitre termine avec la mort émouvante du vaillant maréchal de Saint-Arnaud, alors commandant en chef des troupes françaises en Crimée. Avec « la prise de Sébastopol », on voit les Anglais et les Français combattre les Russes lors des batailles de Balaklava (25 octobre 1854), sans vainqueur, et d'Inkerman (5 novembre 1854), victorieuse pour les troupes franco-britanniques. C'est aussi dans ce chapitre qu'est donné l'assaut final permettant aux Français et aux Anglais de s'emparer enfin de Sébastopol. Le dernier chapitre, « vers un nouvel ordre international ? », nous invite à l'analyse des négociations diplomatiques mettant fin à cette guerre de Crimée. L'ouvrage comporte des annexes dans lesquelles on trouve trois documents relatifs aux Lieux saints : un firman de 1757 répartissant les Lieux saints entre les différentes confessions, un extrait du traité de Kutchuk-Kaïnardji conclu en 1774 entre les Russes et les Ottomans pour mettre à la guerre qui les opposait depuis 1768 et les trois modifications à la note de Vienne demandées par les Ottomans (20 août 1853). Il y a une chronologie regroupant les principaux événements de la guerre de Crimée. La bibliographie est composée des sources imprimées et des études historiques utilisées par l'auteur. Parmi les sources imprimées, on a la Défense de Sébastopol par le général russe Todleben, qui montre que Gouttman ne s'enferme pas dans le point de vue franco-français ou franco-britannique, la correspondance d'Édouard Thouvenel, d'abord directeur des affaires politiques au ministère des Affaires étrangères puis à partir de 1855 ambassadeur de France à Constantinople, et les Souvenirs de la Guerre de Crimée du général Fay. Dans les études historiques, on trouve Croisades en Crimée de Jean-Pierre Chapuis, Sébastopol de Maurice Garçot et La Guerre de Crimée de René Guillemin. On peut regretter que Gouttman ne mentionne pas les fonds d'archives qu'il a consultées pour la rédaction de ce superbe ouvrage.
Ce livre, qui est écrit dans un style plaisant, est complet. Il y a un équilibre entre les analyses diplomatiques, militaires et politiques, aucune n'est survolée au profit d'une autre, ce qui n'est pas une chose facile lorsqu'on effectue une étude historique de cette qualité. Dans cet ouvrage, on voit que l'armée française compte de braves soldats mais on perçoit déjà les fragilités du commandement et de l'intendance de l'armée impériale.


GOUTTMAN Alain, La guerre de Crimée 1853-1856. La première guerre moderne, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2003 [1995], 438 p.




mardi 7 janvier 2014

Éric Anceau et Napoléon III

Éric Anceau, né en 1966, est un historien spécialiste du Second Empire. Il devint agrégé d'histoire en 1991 et en 1993, il reçut une bourse de la Fondation Napoléon pour sa thèse consacrée aux députés du Second Empire sous la direction de Jean Tulard qu'il présenta en 1997 et pour laquelle il obtint la mention très honorable avec les félicitations à l'unanimité du jury présidé par le regretté Jean-Marie Mayeur. Il remporta le prix Second Empire de la Fondation Napoléon en 2000 pour son Dictionnaire des députés du Second Empire et pour son étude sur Les députés du Second Empire : prosopographie d'une élite du XIXe siècle. Après avoir enseigné quelques années dans le secondaire, il est depuis 1999 maître de conférences à l'Université de Paris-IV-Sorbonne et à l'Institut d'études politiques de Paris.
En 2008, il publia chez Tallandier une biographie de Napoléon III qui est à mes yeux la meilleure des biographies que l'on a consacré à ce grand personnage. Cette biographie fut rééditée en 2012 dans la collection "Texto" de Tallandier.

Afin de donner au lecteur de ces lignes l'envie de lire le Napoléon III d'Éric Anceau, voici un extrait du prologue :

« Pourquoi une nouvelle biographie de Napoléon III ?

« Alors que s'annonçait le bicentenaire de la naissance de l'empereur (avril 2008), que se multipliaient les prises de parole et les publications sur le dernier souverain français, nous avons estimé qu'une familiarité de plus de vingt ans avec celui-ci nous autorisait à participer à ce débat. Conscient de la dette que nous avions envers tous ceux qui, avant nous, avaient écrit sur Napoléon III - et en particulier Louis Girard avec lequel nous avions souvent évoqué l'empereur -, nous pensions malgré tout pouvoir apporter un nouvel éclairage sur sa vie et sur son œuvre.
« Le portrait d'une personnalité importante comme l'empereur des Français peut servir de prétexte pour brosser le tableau d'une époque. Le procédé est louable. Il est très en vogue et a indéniablement contribué au renouveau du genre biographique. Mais tel n'a pas été notre démarche. Nous avons conçu cette biographie de Napoléon III en la centrant délibérément sur l'homme. Cependant, nous n'avons pas non plus voulu faire de cet homme un être intemporel et isolé, car nous sommes convaincu que chacun ne se comprend bien que replacé en son temps, en son milieu, parmi les siens.
 « Napoléon III ne fut ni un solitaire, ni un isolé. Son ascension, l'exercice de son pouvoir et sa chute ne peuvent se comprendre qu'à la lumière des relations qu'il a entretenues avec les uns et les autres. Celles-ci occupent donc une grande place dans cette biographie. Nous nous sommes aussi rapidement rendu compte que non seulement tout n'avait pas été dit sur l'homme et le souverain, mais que l'un et l'autre demeuraient encore partiellement incompris. Il est vrai que comme le remarquait Adrien Dansette : " Peu d'hommes d'État [...] sont plus difficiles à comprendre ". Napoléon III dément ainsi la fameuse assertion que Sartre plaçait en ouverture de  L'Idiot de la  famille : " On entre dans un mort comme dans un moulin."
« Il est également vrai, ainsi que nous l'avons déjà souligné, que certains ont voulu faire œuvre partisane, d'encensement ou de dénigrement. Pour notre part, nous sommes entré dans cette vie de souverain, sans cause à défendre ou à combattre. Que l'on ne s'attende donc pas à lire, dans les pages qui suivent, une hagiographie ou un portrait charge. Il nous est également vite apparu que les mêmes erreurs se reproduisaient souvent d'une biographie de Napoléon III à l'autre, faute d'un travail sur les sources, dont certaines, parmi les plus importantes, n'avaient, il est vrai, pas toujours été accessibles.
« Nous   nous   sommes   donc   immergé   dans   ces   documents.   Au   premier   chef,   il   était inconcevable de ne pas relire l'ensemble des livres, des brochures, des prises de parole du prince, de ne pas se plonger dans les milliers de lettres rédigées, dictées ou reçues par lui. L'enjeu était majeur. Rares sont en effet les hommes qui se sont autant livrés dans leurs papiers que l'empereur des Français.
« Les   archives   Napoléon   et   les   œuvres   publiées   de   Napoléon   III   constituent   donc naturellement les deux premiers piliers du présent livre. Il importait ensuite de savoir ce qu'avaient écrit et pensé de lui ses proches, ses collaborateurs et ses ennemis, comment ils avaient vécu et travaillé avec ou contre lui. Nous avons consulté dans ce but plusieurs dizaines de fonds d'archives privées et plusieurs centaines de correspondances et des Mémoires contemporains, dont ceux de tous les principaux protagonistes du règne.
« Nous nous appuyons donc sur les témoignages des membres de la famille impériale (la reine Hortense, l'impératrice Eugénie, le prince Napoléon, la princesse Mathilde, Stéphanie Tascher de   La   Pagerie),   des   ministres   et   hauts   fonctionnaires   (Baroche,   Haussmann,   Ollivier,   Persigny, Rouher), des dirigeants étrangers (la reine Victoria, Palmerston, Malmesbury, Bismarck, Cavour), des diplomates en poste à Paris (Apponyi, Beyens, Cowley, Hübner, Metternich), des opposants politiques   (Louis   Blanc,   Falloux,   Guizot,   Hugo,   Georges   Sand),   des   hommes   de   lettres   et   des jorunalistes (Du Camp, les Goncourt, Halévy, Karl Marx, William­Nassau Senior) et des intimes
(Hortense Cornu, le docteur Evans, Filon, le marquis de Massa, Valérie Masuyer), etc.
« Il convient de faire une place à part aux Mémoires inédits de Napoléon III. Le Mémorial  de   Chislehurst  du   pseudo­baron   d'Ambès.   Jusqu'à   aujourd'hui,   cette   œuvre   qui   apportait   des informations inédites sur l'empereur était considérée par beaucoup comme apocryphe. De ce fait, elle était soit rejetée, soit, au contraire, pillée en n'étant pas citée et en étant mal comprise. Dans un premier temps, nous sommes parvenu  à démontrer que les présomptions qui faisaient du baron d'Ambès tantôt Georges Charles d'Anthès, baron Heeckeren, tantôt le baron Henri Lambert, deux intimes de Napoléon III, n'étaient pas fondées. Dans un second, nous avons identifié formellement le baron en la personne d'Alfred d'Almbert. De ce fait, non les  Mémoires inédits de Napoléon III deviennent recevables, moyennant quelques restrictions qui s'attachent à tout récit de ce type, mais leur auteur apparaît sous un jour nouveau, celui d'un ami du prince qui fut presque aussi influent et présent que Persigny. 
« Par ailleurs, les archives judiciaires et celles de la Cour des pairs nous ont livré une partie des secrets des tentatives de coups d'État de Strasbourg et de Boulogne. Celles de l'armée nous ont fait entrer plus intimement dans la vie du prisonnier de Ham. Les papiers retrouvés aux Tuileries après   le   4   septembre   1870   nous   ont   fait   découvrir   l'autre   face   du   pouvoir.   Les   résultats   des consultations électorales, la presse, les rapports administratifs et d'humbles témoignages puisés à diverses sources nous ont permis de nous faire une idée plus précise de la façon dont les Français se représentaient leur souverain. Il ne fallait pas en négliger pour autant la très abondante production historique   sur   le   XIXe   siècle,   car   certains   travaux   majeurs   apportent   un   nouvel   éclairage   sur l'empereur et sur son temps. Nous nous sommes donc appuyé sur eux et nous les mentionnons dans la bibliographie, la plus complète à ce jour sur Napoléon III.
« Nous avons repris au pied de la lettre une formule su souverain qui se piquait lui­-même d'être historien : " Quand on parle d'une époque obscure du passé, on ne saurait prétendre être cru sur parole, il ne suffit même pas d'indiquer la source où l'on a puisé ses renseignements, il faut, pour les choses importantes, donner le texte même, car souvent le lecteur peut interpréter d'une manière différente le passage sur lequel vous fondez votre raisonnement."
« C'est pourquoi nous avons souhaité donner le plus souvent possible la parole aux témoins et à Napoléon III lui­même dans d'importantes annexes, mais aussi dans le corps de la biographie. 
« Celle-­ci comprend quatre époques qui correspondent à l'ascension du prince jusqu'à la présidence de la République ; à la transformation de son pouvoir présidentiel limité en un immense pouvoir impérial ; à l'exercice de ce même pouvoir ; enfin, à sa restriction, puis à sa disparition. »