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dimanche 2 novembre 2014

Projet de recherche : Le rôle de Napoléon III et de la France dans l'affaire de Neuchâtel (1856-1857), texte rédigé le 8 novembre 2013.


Bien que ce projet ait un peu vieilli parce que d'autres ouvrages et sources se sont rajoutés à la liste de ce que je dois consulter, il reste valable pour expliquer pourquoi et comment j'ai été amené à travailler sur l'affaire de Neuchâtel.



Ce texte vise à expliquer par quelle démarche j'ai été amené à choisir mon sujet de master, et à le présenter brièvement. Je suis passionné, sans me rappeler le comment et le pourquoi, par Napoléon et par l'Allemagne depuis mon enfance, passions qui m'ont entraîné à aimer l'histoire, discipline qui me permet de me mieux comprendre le présent grâce au passé. Par la lecture d'une biographie sur Napoléon III1, j'ai goûté au Second Empire et à la personnalité de Napoléon III, un personnage fascinant parce qu'il revendiquait l'héritage de Napoléon Ier mais aussi parce que sous son règne la France se modernisa (une grande partie du réseau ferroviaire fut construit sous le Second Empire) et occupa une place prépondérante en Europe (ce fut à Paris que se tînt le congrès mettant un terme à la guerre de Crimée). Au moment de choisir une période de prédilection, j'hésitais entre le Premier Empire, le Second Empire et l'Allemagne. Puis, je me suis dit d'allier l'Allemagne à l'une des deux périodes. Pour le Premier Empire, j'aurais aimé travailler sur le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III qui règna de 1797 à 1840 dont la biographie la plus sérieuse semble être celle que l'historien allemand Thomas Stamm-Kuhlmann lui a consacrée2. À propos de ce personnage, j'avais même eu les conseils avisés d'Éric Anceau et de Thierry Lentz, le premier m'invitant à traiter le personnage à travers les relations internationales et le second à m'intéresser davantage sur l'opposition entre Napoléon et le roi de Prusse. Pour le Second Empire, je comptais travailler sur les relations franco-bavaroises sous le Second Empire, un sujet qui m'aurait permis d'allier ma passion pour le Second Empire et ma passion pour l'Allemagne. D'ailleurs, j'avais eu un entretien avec Jacques-Olivier Boudon en vue qu'il me dirige sur ce sujet et il m'avait donné quelques conseils très intéressants. Finalement, comme je doutais sur mes compétences à retrouver un niveau d'allemand digne pour pouvoir travailler sur l'Allemagne et comme je voulais être dirigé par Éric Anceau, grand spécialiste du Second Empire, j'ai demandé à ce dernier de me diriger et de me suggérer un sujet. Il m'a donc parlé des rapports franco-suisses sous le Second Empire qu'il m'a présentés comme étant très riches. En effet, c'est ce que j'ai pu constater en lisant l'article consacré à la Suisse dans le Dictionnaire du Second Empire3. Je me suis rendu compte que l'affaire de Neuchâtel avait été peu étudiée, en particulier l'action de Napoléon III et de la France dans l'affaire. Ainsi, ma recherche porte sur Le rôle de Napoléon III et de la France dans l'affaire de Neuchâtel (1856-1857).
Neuchâtel et son territoire furent une possession des rois de Prusse de 1707 à 1806 puis de 1814 à 1848. La principauté neuchâteloise devint en 1815 un canton de la Confédération helvétique, ce qui allait être source de conflit entre la Prusse et la Confédération. En 1831, les républicains tentèrent de renverser le gouvernement royaliste de Neuchâtel. En vain, ils furent écrasés par les autorités royalistes soutenues par les autorités fédérales. En 1848, le gouvernement royaliste fut renversé par une révolution et la République fut proclamée dans le canton, ce qui provoqua la colère du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV, qui s'estimait lésé par la perte de sa principauté. Par le protocole de Londres de 1852, les puissances européennes reconnurent les droits du monarque prussien sur Neuchâtel tout en lui indiquant qu'il ne pouvait pas reconquérir le territoire par la force. En septembre 1856, des royalistes neuchâtelois s'emparèrent du château de la ville et capturèrent le gouvernement républicain avant d'être rapidement vaincus par les forces républicaines. L'emprisonnement de ces conspirateurs royalistes fut la cause d'une grave crise diplomatique entre la Confédération helvétique et la Prusse, une discorde qui faillit dégénérer en guerre entre les deux pays puisqu'ils mobilisèrent leurs troupes au moment le plus critique de la crise. La diplomatie européenne se mit en action afin de calmer les hostilités entre les deux pays. Une conférence d'ambassadeurs se tint à Paris et conclut le litige grâce à la signature d'un traité en mai 1857 par lequel Frédéric-Guillaume IV renonça pour lui et ses successeurs à la principauté de Neuchâtel dont il ne garda que le titre honorifique. Mon travail portera sur l'action de Napoléon III et de la France dans cette affaire qui a été peu étudiée par les historiens de cet événement. Pourquoi différencier Napoléon III de la France ? On sait que l'Empereur menait sa propre politique extérieure et je montrerai si, dans ce conflit helvético-prussien, Napoléon III était totalement en accord avec le Quai d'Orsay ou s'il était en désaccord avec lui. Je m'intéresserai à savoir pourquoi et comment Napoléon III et la France interviennent dans l'affaire et j'analyserai l'évolution durant cette crise des relations franco-suisses d'une part et des relations franco-prussiennes d'autre part.
Jusqu'à présent, les historiens qui ont étudié cette discorde helvético-prussienne n'ont pas consacré d'étude complète à l'action de la France et de son empereur dans cet imbroglio diplomatique. Dans son ouvrage Neuchâtel et la Confédération suisse devant l'Europe 1856-18574, Jacques Petitpierre retrace l'histoire de l'affaire de Neuchâtel d'un point de vue international, c'est-à-dire qu'il ne privilégie pas le rôle prédominant d'un pays dans cette crise. Quant à Edgar Bonjour, qui a consacré plusieurs ouvrages à l'histoire suisse et à l'affaire, il s'est intéressé aux causes de l'affaire de Neuchâtel5, à la part de l'Angleterre dans la résolution du conflit6 et a compilé les quelques documents de l'événement dans un ouvrage7. Parmi les biographes de Napoléon III, seul Éric Anceau a évoqué l'affaire8. Yves Bruley en parle brièvement dans son Quai d'Orsay Impérial9.Émile Ollivier consacra un chapitre de son monumental Empire libéral à ce conflit10. Enfin, Michel Kerautret est le seul historien de la Prusse à évoquer la question de Neuchâtel11.
Pour mener mon travail à bien, je m'appuierai sur les Archives diplomatiques de La Courneuve où je consulterai la correspondance politique de Suisse et de Prusse, la série « Papiers d'Agents Archives Privées » où je m'intéresserai aux papiers laissés par Walewski (ministre des Affaires étrangères de 1855 à 1860), Moustier (ambassadeur à Berlin durant l'affaire) et Salignac-Fénelon (ambassadeur à Berne à cette époque) ainsi que la série « Mémoires et documents de Suisse » dont le volume 88 porte sur l'affaire de Neuchâtel. Je prendrai connaissance de la correspondance politique du consulat de Genève, en particulier le volume 3, pour voir si le consul de France à Genève s'intéressa ou non à ce conflit et du traité du 26 mai 1857 par lequel Frédéric-Guillaume IV renonça à ses droits sur Neuchâtel. Aux Archives diplomatiques de Nantes, je consulterai les archives des ambassades de France à Berlin et à Berne. Enfin, j'irai aux Archives nationales pour analyser la correspondance de Napoléon III, les lettres que les souverains et les princes lui ont adressées et la correspondance diplomatique. Les mémoires de contemporains et l'historiographie du Second Empire seront évidemment mis à contribution.

1ANCEAU Éric, Napoléon III. Un Saint-Simon à cheval, Paris, Tallandier, 2008, 750 p., ouvrage réédité en 2012 dans la collection « Texto ».
2STAMM-KUHLMANN Thomas, König in Preußens großer Zeit. Friedrich Wilhelm III., der Melancholiker auf dem Thron, Berlin, Siedler, 1992, 779 p.
3CZOUZ-TORNARE Alain-Jacques, « Suisse », dans TULARD Jean (dir.), Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995, p. 1224-1225.
4PETITPIERRE Jacques, Neuchâtel et la Confédération suisse face à l'Europe 1856-1857, Neuchâtel, Éditions H. Messeiller, 1957, 413 p.
5BONJOUR Edgar, Vorgeschichte des Neuenbuger Konflikts 1848-1856, Bern et Leipzig, Éditions Paul Haupt, 1932.
6BONJOUR Edgar, Englands Anteilan der Lösung des Neuenbuger Konflikts 1856-1857, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1948, 103 p.
7BONJOUR Edgar, Der Neuenburger Konflikt 1856-1857. Untersuchungen und Dokumente, Bâle, Helbing & Lichtenhan, 1957, 238 p.
8ANCEAU Éric, Napoléon III. Un Saint-Simon à cheval, Paris, Tallandier, 2008, p.289.
9BRULEY Yves, Le Quai d'Orsay Impérial. Histoire du ministère des Affaires étrangères sous Napoléon III, Paris Éditions Pédone, 2012, p.373.
10 OLLIVIER Émile, L'Empire libéral, études, récits, souvenirs. Tome 3 : Napoléon III, Paris, Garnier, 1898, p.399-404.
11KERAUTRET Michel, Histoire de la Prusse, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2005, note 14 p.298.