Bien que ce projet ait un peu vieilli parce que d'autres ouvrages et sources se sont rajoutés à la liste de ce que je dois consulter, il reste valable pour expliquer pourquoi et comment j'ai été amené à travailler sur l'affaire de Neuchâtel.
Ce texte vise à expliquer par quelle démarche j'ai été
amené à choisir mon sujet de master, et à le présenter
brièvement. Je suis passionné, sans me rappeler le comment et le
pourquoi, par Napoléon et par l'Allemagne depuis mon enfance,
passions qui m'ont entraîné à aimer l'histoire, discipline qui me
permet de me mieux comprendre le présent grâce au passé. Par la
lecture d'une biographie sur Napoléon III1,
j'ai goûté au Second Empire et à la personnalité de Napoléon
III, un personnage fascinant parce qu'il revendiquait l'héritage de
Napoléon Ier mais aussi parce que sous son règne la France se
modernisa (une grande partie du réseau ferroviaire fut construit
sous le Second Empire) et occupa une place prépondérante en Europe
(ce fut à Paris que se tînt le congrès mettant un terme à la
guerre de Crimée). Au moment de choisir une période de
prédilection, j'hésitais entre le Premier Empire, le Second Empire
et l'Allemagne. Puis, je me suis dit d'allier l'Allemagne à l'une
des deux périodes. Pour le Premier Empire, j'aurais aimé travailler
sur le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III qui règna de 1797 à
1840 dont la biographie la plus sérieuse semble être celle que
l'historien allemand Thomas Stamm-Kuhlmann lui a consacrée2.
À propos de ce personnage, j'avais même eu les conseils avisés
d'Éric Anceau et de Thierry Lentz, le premier m'invitant à traiter
le personnage à travers les relations internationales et le second à
m'intéresser davantage sur l'opposition entre Napoléon et le roi de
Prusse. Pour le Second Empire, je comptais travailler sur les
relations franco-bavaroises sous le Second Empire, un sujet qui
m'aurait permis d'allier ma passion pour le Second Empire et ma
passion pour l'Allemagne. D'ailleurs, j'avais eu un entretien avec
Jacques-Olivier Boudon en vue qu'il me dirige sur ce sujet et il
m'avait donné quelques conseils très intéressants. Finalement,
comme je doutais sur mes compétences à retrouver un niveau
d'allemand digne pour pouvoir travailler sur l'Allemagne et comme je
voulais être dirigé par Éric Anceau, grand spécialiste du Second
Empire, j'ai demandé à ce dernier de me diriger et de me suggérer
un sujet. Il m'a donc parlé des rapports franco-suisses sous le
Second Empire qu'il m'a présentés comme étant très riches. En
effet, c'est ce que j'ai pu constater en lisant l'article consacré à
la Suisse dans le Dictionnaire du Second
Empire3.
Je me suis rendu compte que l'affaire de Neuchâtel avait été peu
étudiée, en particulier l'action de Napoléon III et de la France
dans l'affaire. Ainsi, ma recherche porte sur Le
rôle de Napoléon III et de la France dans l'affaire de Neuchâtel
(1856-1857).
Neuchâtel et son territoire furent une possession des
rois de Prusse de 1707 à 1806 puis de 1814 à 1848. La principauté
neuchâteloise devint en 1815 un canton de la Confédération
helvétique, ce qui allait être source de conflit entre la Prusse et
la Confédération. En 1831, les républicains tentèrent de
renverser le gouvernement royaliste de Neuchâtel. En vain, ils
furent écrasés par les autorités royalistes soutenues par les
autorités fédérales. En 1848, le gouvernement royaliste fut
renversé par une révolution et la République fut proclamée dans
le canton, ce qui provoqua la colère du roi de Prusse
Frédéric-Guillaume IV, qui s'estimait lésé par la perte de sa
principauté. Par le protocole de Londres de 1852, les puissances
européennes reconnurent les droits du monarque prussien sur
Neuchâtel tout en lui indiquant qu'il ne pouvait pas reconquérir le
territoire par la force. En septembre 1856, des royalistes
neuchâtelois s'emparèrent du château de la ville et capturèrent
le gouvernement républicain avant d'être rapidement vaincus par les
forces républicaines. L'emprisonnement de ces conspirateurs
royalistes fut la cause d'une grave crise diplomatique entre la
Confédération helvétique et la Prusse, une discorde qui faillit
dégénérer en guerre entre les deux pays puisqu'ils mobilisèrent
leurs troupes au moment le plus critique de la crise. La diplomatie
européenne se mit en action afin de calmer les hostilités entre
les deux pays. Une conférence d'ambassadeurs se tint à Paris et
conclut le litige grâce à la signature d'un traité en mai 1857 par
lequel Frédéric-Guillaume IV renonça pour lui et ses successeurs à
la principauté de Neuchâtel dont il ne garda que le titre
honorifique. Mon travail portera sur l'action de Napoléon III et de
la France dans cette affaire qui a été peu étudiée par les
historiens de cet événement. Pourquoi différencier Napoléon III
de la France ? On sait que l'Empereur menait sa propre politique
extérieure et je montrerai si, dans ce conflit helvético-prussien,
Napoléon III était totalement en accord avec le Quai d'Orsay ou
s'il était en désaccord avec lui. Je m'intéresserai à savoir
pourquoi et comment Napoléon III et la France interviennent dans
l'affaire et j'analyserai l'évolution durant cette crise des
relations franco-suisses d'une part et des relations
franco-prussiennes d'autre part.
Jusqu'à présent, les historiens qui ont étudié
cette discorde helvético-prussienne n'ont pas consacré d'étude
complète à l'action de la France et de son empereur dans cet
imbroglio diplomatique. Dans son ouvrage Neuchâtel
et la Confédération suisse devant l'Europe 1856-18574,
Jacques Petitpierre retrace l'histoire de l'affaire de Neuchâtel
d'un point de vue international, c'est-à-dire qu'il ne privilégie
pas le rôle prédominant d'un pays dans cette crise. Quant à Edgar
Bonjour, qui a consacré plusieurs ouvrages à l'histoire suisse et à
l'affaire, il s'est intéressé aux causes de l'affaire de
Neuchâtel5,
à la part de l'Angleterre dans la résolution du conflit6
et a compilé les quelques documents de l'événement dans un
ouvrage7.
Parmi les biographes de Napoléon III, seul Éric Anceau a évoqué
l'affaire8.
Yves Bruley en parle brièvement dans son Quai
d'Orsay Impérial9.Émile
Ollivier consacra un chapitre de son monumental
Empire libéral
à ce conflit10.
Enfin, Michel Kerautret est le seul historien de la Prusse à évoquer
la question de Neuchâtel11.
Pour mener mon travail à bien, je m'appuierai sur les
Archives diplomatiques de La Courneuve où je consulterai la
correspondance politique de Suisse et de Prusse, la série « Papiers
d'Agents Archives Privées » où je m'intéresserai aux papiers
laissés par Walewski (ministre des Affaires étrangères de 1855 à
1860), Moustier (ambassadeur à Berlin durant l'affaire) et
Salignac-Fénelon (ambassadeur à Berne à cette époque) ainsi que
la série « Mémoires et documents de Suisse » dont le
volume 88 porte sur l'affaire de Neuchâtel. Je prendrai connaissance
de la correspondance politique du consulat de Genève, en particulier
le volume 3, pour voir si le consul de France à Genève s'intéressa
ou non à ce conflit et du traité du 26 mai 1857 par lequel
Frédéric-Guillaume IV renonça à ses droits sur Neuchâtel. Aux
Archives diplomatiques de Nantes, je consulterai les archives des
ambassades de France à Berlin et à Berne. Enfin, j'irai aux
Archives nationales pour analyser la correspondance de Napoléon III,
les lettres que les souverains et les princes lui ont adressées et
la correspondance diplomatique. Les mémoires de contemporains et
l'historiographie du Second Empire seront évidemment mis à
contribution.
1ANCEAU
Éric, Napoléon III. Un Saint-Simon à cheval, Paris,
Tallandier, 2008, 750 p., ouvrage réédité en 2012 dans la
collection « Texto ».
2STAMM-KUHLMANN
Thomas, König in Preußens
großer Zeit. Friedrich Wilhelm III., der Melancholiker auf dem
Thron,
Berlin, Siedler, 1992, 779 p.
3CZOUZ-TORNARE
Alain-Jacques, « Suisse », dans TULARD Jean (dir.),
Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995, p.
1224-1225.
4PETITPIERRE
Jacques, Neuchâtel et la Confédération suisse face à l'Europe
1856-1857, Neuchâtel,
Éditions H. Messeiller, 1957, 413 p.
5BONJOUR
Edgar, Vorgeschichte des Neuenbuger Konflikts 1848-1856, Bern
et Leipzig, Éditions Paul Haupt, 1932.
6BONJOUR
Edgar, Englands Anteilan der Lösung des Neuenbuger Konflikts
1856-1857, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1948, 103 p.
7BONJOUR
Edgar, Der Neuenburger Konflikt 1856-1857. Untersuchungen und
Dokumente, Bâle, Helbing &
Lichtenhan, 1957, 238 p.
8ANCEAU
Éric, Napoléon III. Un Saint-Simon à cheval, Paris,
Tallandier, 2008, p.289.
9BRULEY
Yves, Le Quai d'Orsay Impérial. Histoire du ministère des
Affaires étrangères sous Napoléon III,
Paris Éditions Pédone, 2012, p.373.
10
OLLIVIER Émile, L'Empire libéral,
études, récits, souvenirs. Tome 3 : Napoléon III,
Paris, Garnier, 1898, p.399-404.
11KERAUTRET
Michel, Histoire de la Prusse,
Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2005, note 14
p.298.